C’était son premier jour dans cette nouvelle entreprise hightech. Sarah était à la fois nerveuse et surexcitée à l’idée de commencer ce travail dans un domaine qui la passionnait. À 26 ans, cette jeune ingénieure ambitieuse espérait pouvoir s’épanouir professionnellement dans cette société réputée.
Lors de la réunion d’accueil des nouveaux arrivants, un homme d’une quarantaine d’années à l’allure soignée prit la parole. C’était Bastien, le directeur de la R&D, qui devait présenter l’équipe. Son assurance et son charisme étaient impressionnants. D’une voix grave et posée, il commença un long discours vantant ses exploits et ses années d’expérience à la tête de projets d’envergure. Sarah l’écoutait, buvant ses paroles élogieuses sur lui-même.
Au cours des semaines suivantes, Sarah eut l’occasion de travailler en étroite collaboration avec Bastien sur un projet innovant. Elle appréciait ses compétences techniques mais remarqua vite certains traits de caractère dérangeants. Bastien avait en effet tendance à monopoliser la parole lors des réunions, coupant fréquemment ses collègues d’un ton condescendant et méprisant. « Laissez les pros s’exprimer ! » lançait-il d’un air suffisant en interrompant une explication.
Sarah nota également que Bastien usait très souvent du sarcasme et de l’ironie pour dévaloriser les idées des autres. Un jour où elle proposait une amélioration du design d’un composant, il avait répliqué d’un air narquois : « Ouah super idée ! Ça va tout changer ! » avant d’éclater d’un rire forcé. Face à son mépris évident, Sarah avait préféré ne pas insister.
Au fil du temps, elle réalisa que son supérieur mentait et manipulait sans vergogne dès que cela l’arrangeait. Il n’hésitait pas à s’attribuer le mérite des idées des autres pour se valoriser auprès de la direction. Sarah avait d’ailleurs été choquée d’entendre Bastien minimiser de façon éhontée une erreur de sa part qui avait coûté des milliers d’euros à l’entreprise. « Une broutille ! Un détail que j’ai vite réglé ! » avait-il lancé d’un ton dégagé.
Lors des réunions en groupe, Bastien adoptait des postures arrogantes, le menton légèrement levé dans une expression hautaine typique des narcissiques. Ses gestes étaient amples, envahissants, comme s’il cherchait à dominer physiquement l’espace. Son regard insistant vers ses interlocuteurs donnait une impression de les défier constamment. À plusieurs reprises, Sarah avait d’ailleurs senti son malaise lorsque Bastien s’approchait trop près d’elle pour regarder ses notes, effleurant son bras au passage sans gêne.
Malgré son comportement déplacé, Sarah ne pouvait nier le charisme de Bastien qui suscitait souvent l’admiration de leur direction. Il arrivait en effet à se présenter sous un jour très avantageux, gonflant ses résultats et réalisations sans complexe. Face aux éloges de leurs supérieurs, Sarah levait discrètement les yeux au ciel, agacée de son culot. Elle ne comprenait pas comment personne ne voyait le véritable égocentrisme de cet homme et son manque total d’empathie envers ses collègues.

Un jour que Bastien passait derrière Sarah en coup de vent, il effleura volontairement ses cheveux d’un geste qu’elle jugea déplacé. « Joli brushing ! » lança-t-il d’un ton charmeur qui la mit franchement mal à l’aise. Sarah tenta de l’ignorer mais ce genre de comportement envahissant se reproduisit à plusieurs reprises. Bastien n’hésitait pas à poser sa main sur son épaule ou son bras lors de leurs discussions en tête à tête. À chaque fois, son regard insistant la mettait mal à l’aise sans qu’elle puisse identifier clairement une réelle intention malveillante.
Petit à petit, le charme de Bastien commença à opérer sur Sarah. Malgré son côté arrogant et narcissique indéniable, elle ne pouvait s’empêcher de l’admirer pour ses brillantes réalisations techniques. Dans ces moments-là, son assurance devenait presque une qualité à ses yeux. Sarah fit d’ailleurs l’effort d’être plus malléable et compréhensive face aux sautes d’humeur et commentaires désobligeants de son N+1. Elle se persuadait que ce devait être le prix à payer pour évoluer auprès d’un expert aussi reconnu.
Un jour, après une énième pique sarcastique de Bastien sur son travail, Sarah resta de marbre face à sa cruauté gratuite. Elle s’était convaincue que son supérieur ne visait rien de personnel et que c’était simplement son caractère difficile qui le poussait à se comporter ainsi. Les mois passèrent et elle continua sur cette voie, faisant fi des comportements de plus en plus déplacés et autoritaires de Bastien.
Jusqu’au jour où les choses dégénérèrent lors d’un trajet en voiture après une réunion chez un client. Enhardi par la proximité dans l’habitacle, Bastien se montra particulièrement entreprenant auprès de Sarah. Ses gestes se firent lourds de sous-entendus graveleux et ses propos ouvertement sexuels et dégradants envers les femmes. Face aux mains baladeuses de son supérieur sur ses cuisses, Sarah réalisa enfin l’étendue de sa perversité narcissique. Les indices étaient pourtant tous là depuis le début mais elle avait choisi de les nier par ambition et flatterie mal placée. Ce jour-là, elle comprit que ce prédateur avait exploité son aveuglement et sa docilité pour servir ses propres intérêts malsains.
Fort heureusement, Sarah eut la présence d’esprit de se dégager aussitôt des avances de Bastien. Avec fermeté, elle mit un terme définitif à leur relation professionnelle et saisit les ressources humaines. Grâce aux nombreux témoignages accablants sur le comportement de Bastien, ce dernier fut licencié pour faute grave dans les jours suivants. L’entreprise prit alors des mesures pour favoriser la bienveillance et la protection des salariés face aux éventuels abus d’autorité et dérives pervers narcissiques. Un vaste plan de formations et de sensibilisation fut mis en place dans un souci de prévention.
Sarah conserva de cette douloureuse expérience une leçon capitale : celle de toujours rester vigilante et à l’écoute des signaux d’alerte qu’envoient les narcissiques pervers, quand bien même ils se cachent derrière un charisme ou un talent trompeur. Plus que jamais déterminée à ne pas se laisser aveugler par les discours grandiloquents et manipulateurs, elle demeura attentive à préserver son intégrité et son indépendance d’esprit face à toute forme de bassesse humaine.