Leila croyait avoir trouvé l’homme idéal. Brillant avocat, Nabil séduisait par son charme, son éloquence et sa réussite. Mais derrière cette façade parfaite se cachait un manipulateur pervers dont elle allait devenir la proie.
Leur rencontre avait été un coup de foudre à La Marsa. Nabil savait exactement quoi dire et quoi faire pour la conquérir. Il l’abreuvait de compliments, anticipait ses moindres désirs. En quelques semaines, elle était subjuguée. Quand il la demanda en mariage, elle accepta sans hésiter, aveuglée par ce rêve d’amour absolu.
Alors commença l’emprise, sournoise et insidieuse. Nabil contrôlait tout, décidant de leurs sorties, leurs finances, jusqu’à la tenue vestimentaire de Leila. Au moindre écart, c’était une pluie de critiques acerbes sur son physique, son intellect, son indignité. « Qui d’autre que moi voudrait d’une femme aussi quelconque ? » susurrait-il, abîmant son estime.
Leila s’isola peu à peu de ses amies et sa famille à Sfax. Ses cernes et sa mine défaite inquiétèrent ses proches mais elle les rassurait, minimisant les humiliations subies. Au fond, elle espérait que cet enfer passerait, que Nabil redeviendrait l’homme charmant qu’elle avait épousé.

C’est alors qu’elle tomba enceinte. Au lieu d’être un tournant joyeux, la grossesse empira les choses. Nabil l’accablait de reproches sur ses kilos pris, proférant d’odieuses menaces sur l’éducation future de l’enfant. Perdue, Leila sombra dans une dépression dont elle ne voyait pas d’issue.
Pourtant un mince espoir subsista. Le jour de l’accouchement, tenant son bébé dans les bras, elle se jura de le protéger de ce monstre. Retrouvant des forces insoupçonnées, elle entama des démarches dans le plus grand secret pour préparer sa fuite.
Ce jour arriva un soir où Nabil partit en voyage d’affaires. Leila avait méticuleusement organisé son évasion. Son sac était prêt avec l’essentiel. Une place dans un foyer d’accueil réservée à Sfax. Une amie prévenue pour l’héberger ensuite.
Son cœur battait à tout rompre quand Nabil franchit le seuil ce soir-là, rayonnant et affable comme si de rien n’était. Luttant contre la panique, Leila lui servit son dîner habituel d’un air faussement serein, avant de monter donner son bain à leur fils.
Tandis qu’elle le bordait, savourant peut-être leur dernière étreinte, son portable vibra. C’était un message anodin de sa meilleure amie Samira. Un banal « Saha enti, comment vas-tu ? ». En d’autres temps Leila l’aurait ignoré, de peur des réprimandes si Nabil le voyait.
Mais ce soir-là, ce simple texto déclencha en elle une violente décharge d’émotions. La culpabilité de n’avoir pu répondre à ses proches durant toutes ces années. La colère d’avoir été bernée, agressée dans sa dignité. La rage de s’être laissée détruire par ce prédateur. L’amour inconditionnel pour ce petit être innocent et le devoir impérieux de le protéger.
Déterminée, Leila essuya ses larmes, embrassa son fils et descendit affronter son bourreau. Nabil savourait un verre de thé dans le salon, inconscient du séisme intérieur que vivait sa femme. Quand il la vit, son rictus méprisant laissa place à une expression médusée. Dans le regard de Leila brûlait une flamme nouvelle, celle de la liberté reconquise.
« Je pars Nabil. Avec notre fils. Je ne supporterai plus jamais tes coups, tes insultes, tes menaces. Tu m’as détruite pendant des années mais c’est terminé. Je renais aujourd’hui, plus forte que le cauchemar que tu m’as infligé. »
Interdit, Nabil resta d’abord muet devant ce soudain regain de dignité. Puis la bête se réveilla. De sa voix doucereuse, il tenta de manipuler Leila, mêlant menaces et douces paroles, promesses et récriminations. Mais elle ne se laissa plus avoir, parée contre ce torrent de mensonges par des années de souffrance.
Enragé de la voir lui échapper, Nabil leva la main sur elle. C’est alors que Leila vit le vrai visage du monstre. Privé de son masque séducteur, il révéla toute sa laideur, rugissant des insanités immondes en dialecte tunisien. Dans sa fureur, il dévasta le salon autour d’eux.
Terrorisée mais inébranlable, Leila fixait cet homme en bravant la tempête, protégeant du regard son fils qui pleurait à l’étage. Elle essuya avec calme le crachat qu’il lui avait lancé au visage. « Arrah Nabil. Et ne reviens jamais » lâcha-t-elle d’une voix sourde.
Perdant pied, Nabil s’effondra dans un fauteuil, vaincu. Toutes les horreurs déversées n’avaient pu entamer la force tranquille de cette femme retrouvant enfin sa dignité. Il réalisa que son empire de manipulation venait de s’écrouler. Il était nu, misérable, ridicule.
Leila le laissa à son pathétique désarroi. Elle gravit les escaliers, prit la valise préparée et son fils dans ses bras, puis sortit de cet enfer, poussée par les ailes de la résilience. Elle était vivante.
Les semaines suivantes ne furent pas aisées à Sfax. Terrée chez son amie, puis dans un foyer, Leila dut affronter les séquelles psychologiques d’années d’abus. Mais cette fois entourée de femmes solidaires, fortes de leur propre combat, elle put panser ses blessures et reprendre confiance.
Chaque jour Leila puisait sa force dans le regard innocent de son fils, ce trésor qui l’avait sortie des ténèbres. Elle décida de se battre pour tous ceux, hommes et femmes, encore prisonniers de l’emprise perverse de leurs bourreaux.
Au procès, quand Nabil comparut pour ces années de violences conjugales, elle témoigna avec une sérénité désarmante. Plus de colère, plus de peur. Elle relata les faits d’une voix égale, dévoilant au grand jour les manipulations, agressions et terreur psychologique qu’elle avait subies.
Confronté aux preuves accablantes et à ce récit implacable, le masque de Nabil tomba définitivement devant tous. Le séducteur arrogant se reconnut enfin dans le reflet de ce qu’il était : un homme misérable et pathétique qui avait détruit l’amour par sa seule obsession de contrôle et de pouvoir.
Condamné à une lourde peine, Nabil quitta le tribunal menotté et humilié. Leila, elle, sortit libre et digne